Ce 19 mars, l’OIE a présenté à Trêves devant un public composé d’environ 35 professionnels les résultats issus de sa dernière étude consacrée au thème phare de l‘apprentissage des langues dans la Grande Région.
Des collaborateurs et collaboratrices de divers ministères et d’institutions du domaine des politiques éducatives, des responsables politiques, des représentants du domaine scientifique et du corps enseignant ainsi que ceux des syndicats et des Chambres de commerce et d’industrie étaient présents. Catherine Filpa, en charge de l’étude pour les territoires francophones, a d’abord souligné que l’extrême complexité des systèmes éducatifs rend la recherche sur ce thème difficile : des notions telles que degré de scolarité, classe, section, cours ou filière scolaire sont employées de manière différente dans toutes les régions. Les données relatives au nombre d’élèves suivant un enseignement de langue étrangère présentent souvent des lacunes ou sont libérées avec beaucoup de réticence. René Kratz (OREFQ) a ensuite contribué à élargir et à approfondir cette problématique lors de son exposé sur le traitement des données statistiques.
Différences…
En introduction, Madame Filpa a donné un aperçu global des traditions linguistiques propres aux composantes de la Grande Région. En Wallonie, comme partout ailleurs en Belgique, le thème des langues constitue un thème central du débat politique. Les Luxembourgeois et les habitants de la Communauté germanophone de Belgique pratiquent réellement le multilinguisme au quotidien. La Rhénanie-Palatinat est fortement imprégnée de la tradition anglo-saxonne depuis l’occupation américaine. En revanche, la Sarre et la Lorraine partagent, de par leur tradition historique, un dialecte commun. Ces traditions et aspects fondamentaux déterminent de manière décisive le visage de l’enseignement moderne des langues. Le département de la Moselle s’efforce de soutenir par différentes mesures l’apprentissage de l’allemand comme première langue étrangère. En Rhénanie-Palatinat, l’offre d’enseignement bilingue allemand-anglais est beaucoup plus diversifiée qu’en Sarre. L’intégration des enfants issus de l’immigration dont la langue maternelle n’est pas l’une des langues officielles, constitue un défi majeur pour le Luxembourg. En outre, l’âge auquel les enfants sont confrontés pour la première fois à une langue étrangère, varie énormément. Pour ne citer que quelques exemples : dans la Communauté Germanophone de Belgique, les enfants sont obligés de se familiariser déjà au jardin d’enfants avec la langue française, tandis qu’en Wallonie francophone, les élèves commencent l’apprentissage d’une langue étrangère à l’âge de dix ans seulement. Au Luxembourg, le luxembourgeois, le français et l’allemand sont enseignés à tous les enfants dès l’école primaire. Quant aux deux Länder allemands, il laisse la possibilité d’achever un parcours scolaire complet et d’obtenir un diplôme d’accès à une formation professionnelle en n’apprenant qu’une seule langue étrangère.
…et points communs au sein de la Grande Région
Mais en dépit de ces différences, on trouve de nombreux points communs dans les principes directeurs adoptés par l’ensemble des composantes de la Grande Région. Ainsi, l’enseignement des langues doit tenir compte des différences dans les talents et les biographies d’apprentissage linguistique des élèves. La formation en langue étrangère doit être poursuivie de façon continue et cohérente à tous les niveaux de l’éducation, allant de la petite enfance jusqu’à l’enseignement supérieur. Il s’agit de faire acquérir aux élèves des compétences linguistiques qui tiennent compte des contextes culturels et qui soient orientées vers la pratique. Les niveaux de compétences visés sont définis à l’aide du Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues : en règle générale, le niveau A1 doit être acquis à la fin de l’enseignement primaire, le niveau B1 à la fin des études secondaires. Pour permettre l’accès à l’enseignement supérieur, le niveau linguistique visé au sein de la Grande Région est celui de B2/C1 pour la première langue étudiée, et plus ou moins le niveau B1/B2 pour la deuxième langue étrangère. Une importance particulière doit être accordée à l’anglais comme lingua franca.
Propositions…
L’exposé s’est terminé par des propositions visant à améliorer l’enseignement des langues. Madame Filpa a souligné l’importance d’une familiarisation précoce des enfants aux sonorités d’une langue étrangère et d’un enseignement interactif des langues afin d’encourager les jeunes à communiquer en langue étrangère. Les experts interrogés par Catherine Filpa ont estimé que des échanges transfrontaliers d’enseignants pourraient s’annoncer prometteurs. Ceux-ci devraient se baser sur la réciprocité et pourraient donc être organisés sans demander un grand effort sur le plan financier et administratif. Les échanges d’enseignants pourraient de plus accompagner la généralisation de l’enseignement en langue étrangère de disciplines non linguistiques. Cette forme d’enseignement permet aux élèves d’entendre et d’utiliser une langue dans un contexte appliqué. En outre, l’intervenante a mis en garde contre la tendance croissante des employeurs à demander, comme preuve de compétences linguistiques, des certifications coûteuses délivrées par les centres de formation linguistique privés. Ceci représente un obstacle supplémentaire à l’accès des élèves issus de familles socialement défavorisées à la formation professionnelle et au marché de l’emploi.
…et exemples de bonnes pratiques
Les thèmes abordés dans la dernière partie de l’exposé ont suscité beaucoup d’intérêt chez tous les participants et ont été au centre du débat qui s’est ensuivi. Ainsi, les expériences faites dans le cadre du projet Trilingua qui a permis d’organiser des échanges transfrontaliers d’enseignants au sein de la Grande Région au niveau de l’enseignement préscolaire et primaire, ont été présentées. Une participante a signalé que les échanges scolaires classiques ne répondaient plus aux exigences modernes. Il conviendrait plutôt d’encourager la mise en oeuvre de projets bilingues et transfrontaliers pour permettre de se préparer à l’organisation moderne et l’environnement global du travail. Pour ce qui concerne la certification des compétences linguistiques, il est fait référence au passeport de langues Europass, créé par le Conseil de l’Europe. Étant l’un des trois documents du Portfolio européen des langues, il permet une description précise des connaissances linguistiques à l’aide d’une grille d’auto-évaluation basée sur le Cadre Européen Commun de Référence. Il est ainsi possible de répertorier et d’évaluer ses propres connaissances conformément à des critères communs reconnus dans toute l’Europe.
Un expert de l’enseignement supérieur a fait remarquer que la pratique est souvent très éloignée de la théorie en ce qui concerne le niveau de compétences linguistiques acquis à la fin de l’enseignement secondaire : en réalité, les étudiants de première année possèdent très rarement des connaissances équivalentes au niveau B2/C1, contrairement à l’attestation fournie. En outre, les délais fixés pour atteindre le niveau requis seraient calculés de manière incorrecte : au cours des premières années, les enfants apprennent plus rapidement une langue et pourraient donc atteindre plus rapidement le niveau A1, tandis que plus tard, lorsque l’apprentissage d’une langue est plus difficile, on dispose de plus de temps pour atteindre le niveau B2 qui est plus exigeant.
Les résultats de l’étude sont publiés dans un chapitre du 8e rapport de l’OIE et sous forme de monographies pour chaque région concernée, et sont disponibles ici. Vous y trouverez également la présentation faite par Catherine Filpa.